Politique de prévention
De quoi parle-t-on ?
Les « risques » au travail peuvent relever de deux natures différentes :
- Les risques dont la réalisation relève d’une probabilité. Il est alors question d’associer statistiquement à la réalisation d’un dommage particulier un certain nombre de dangers connus (ou, pour le dire autrement, de facteurs de risques).
- Les risques dont la réalisation relève d’une possibilité. Dans ce cas, faute que le danger soit véritablement connu d’avance ‒ soit que les raisons-causes, soit que les conséquences ne sont vraiment identifiées par avance ‒, la perspective de survenue du dommage ne peut être qu’imaginée et anticipée.
Stricto sensu, prévenir les risques au travail correspond à l’action de devancer les dommages qui peuvent se présenter à l’occasion du travail. Cela suppose donc de les connaitre, ou, sinon, de les imaginer. Selon la nature du risque considéré, la « prévention » relève alors de deux différents registres.
- Dans la première hypothèse (le risque comme probabilité), on distingue traditionnellement trois niveaux de prévention. La prévention primaire renvoie à la réduction du risque à sa source (suppression du danger). La prévention secondaire fait référence à la protection (individuelle ou collective) des personnes face au danger. Enfin, la prévention tertiaire est relative à la réduction des conséquences négatives liées à la survenue d’un dommage ‒ principalement en termes de « mise à l’abri ».
- Dans la seconde hypothèse (le risque comme possibilité), il est plutôt question de précaution ou de prudence dans la façon de prendre le risque. La « prévention » consiste alors à agir en sorte d’éviter que les dommages ne surviennent. Si le terme de prévention au sens strict renvoie à l’idée de probabilité, l’expression est en général utilisée indistinctement pour désigner ces deux rapports au risque.
Le point de vue d’ATEMIS
De notre point de vue, il est nécessaire de distinguer deux types de risques qui font écho aux couples probabilité/prévention et possibilités/précaution présentés ci-dessus :
- Des risques extérieurs aux personnes et auxquels celles-ci sont exposées, tels que les risques liés à des contraintes physiques, chimiques, ou biologiques. Ces risques-là relèvent assez largement d’une relation probabiliste de type dose/cause-effet. Plus les doses auxquelles sont confrontées les personnes sont importantes, plus le risque (atteintes physiques, développement d’une maladie, etc.) est important, aussi bien en termes de probabilité que de niveau d’effet.
- Des risques liés à l’engagement des personnes, relatifs à la dynamique de leur implication dans l’activité, tels que les troubles psychosociaux et les troubles musculo squelettiques. Dans ce cas, la survenue d’un dommage ne s’explique pas par l’exposition des personnes à un danger qui leur serait extérieur ; il est directement lié à la manière dont chaque personne est engagée comme sujet dans l’activité (sa capacité/possibilité de faire face aux événements, les modalités de son investissement…). Le risque dont il est question ici relève alors d’un phénomène et d’une histoire singulière qu’il convient de comprendre en s’intéressant à l’activité de travail des professionnels concernés.
A mesure que les principales pathologies du travail se décalent vers des questions qui relèvent de la santé psychique, c’est la question de la valeur de ce qui est fait (pour les personnes, pour les métiers, pour les bénéficiaires, pour la société) qui est en jeu. Cela ne concerne plus seulement les conditions de travail mais l’organisation du travail et le rôle des fonctions managériales, qui sont alors à interroger.
Comment agir ?
La prévention des risques liés à des expositions évolue avec les sources (par exemple les risques induits par les nanotechnologies), mais le cadre de cette prévention est aujourd’hui relativement bien balisé. Ce sont les risques liés à l’engagement qui posent aujourd’hui le plus de problèmes aux organisations, d’où leurs difficultés persistantes à aborder les questions de TMS ou de RPS. De ce point de vue, développer une politique de prévention efficace implique selon nous de :
- rendre possible le dé-confinement des questions de santé en élargissant le périmètre d’investigation et d’action au-delà de la prévention/réduction des risques pour s’inscrire dans une dynamique de développement de la capacité d’agir. Cela suppose d’élaborer une pensée partagée sur les liens travail/santé/performance, ce que nous appelons une doctrine ;
- faire apparaitre les savoir-faire de prudence développés individuellement et collectivement qui permettent à chacun de se protéger des risques dans la réalisation même du travail ;
- construire des dispositifs qui favorisent la mise en visibilité de ces savoir-faire de prudence et les conditions dans lesquelles ils peuvent se développer, en impliquant non seulement les professionnels de la prévention mais également le management.