De quoi parle-t-on ?
Aujourd’hui, l’engagement de l’individu au travail est explicitement recherché par les organisations productives. Cela s’explique par la montée très forte de l’incertitude et de l’instabilité des situations de travail et par la dimension de plus en plus servicielle des activités.
Le service, en effet, se caractérise par sa dimension immatérielle qui pose des problèmes d’objectivation (construire l’accord sur la réalité de ce qui est à faire et la valeur de ce qui est fait). Par ailleurs, les représentations et attentes des bénéficiaires s’ajoutent à la prescription de la direction. Cela amène les salariés à réaliser au quotidien des arbitrages sur la manière dont ils prennent en charge les demandes « réelles » des bénéficiaires (répondre ou non à telle ou telle sollicitation, prendre le temps de fournir davantage d’explications, accélérer le rythme afin d’être disponible pour un autre client, etc.).
Le travail se trouve ainsi remis en cause dans ses résultats comme dans ses procédés. Dans le même temps, le soutien apporté par les collectifs de travail s’affaiblit sensiblement en raison de l’évaluation individuelle des performances, qui s’implante massivement au sein des organisations, et de l’évolution des formes d’emploi. Ainsi, alors que le travail fait face à de plus en plus d’interpellations, les ressources qui lui sont nécessaires sont de moins en moins disponibles.
Face à ces difficultés, deux types de réponses sont généralement proposées : renforcer davantage le caractère formel des procédures de travail (définition précise des modes opératoires, normes qualité à respecter…) ou, au contraire, laisser les salariés libres quant à la manière de réaliser leur travail en ne s’intéressant qu’à l’atteinte des objectifs. Ces deux réponses génèrent toutefois des effets délétères. En sous estimant la complexité du réel qui conduit à négliger la reconnaissance du travail réel, les méthodes et outils de gestions cassent l’engagement subjectif des travailleurs et les dynamiques de coopération, pourtant essentiels à la réalisation d’un travail de qualité. La montée des risques psychosociaux renvoie en grande partie à cette contradiction entre, d’un côté, le développement de dynamiques productives qui mobilisent de plus en plus fortement l’engagement et de l’autre, des organisations qui ne parviennent pas à reconnaître la subjectivité que l’engagement implique, voire la brident ou la sanctionnent dès qu’elle fait son apparition.
Le point de vue d’Atemis
L’expression « risques psychosociaux » (RPS) est en réalité mal nommée : le psychosocial n’est ni un risque, ni un danger. Sans engagement subjectif des salariés, l’entreprise ne parviendrait tout simplement pas à générer de valeur économique. Nous lui préférons celle de « troubles psychosociaux » (TPS) qui met en évidence le fait que, si les problèmes peuvent être de nature psychosociale (des salariés qui tombent malades, qui se mettent en retrait, un absentéisme important, des incivilités ou agressions…), les causes sont plutôt à rechercher du côté de l’organisation du travail et de la qualité du management. Les troubles psychosociaux apparaissent dès lors que l’organisation du travail ne permet plus au sujet de rendre compatible ses propres exigences, les exigences de son activité et celles des autres. Autrement dit, l’existence de troubles psychosociaux renvoie au fait que l’organisation du travail est inadaptée aux exigences du travail réel. En cela ils ne constituent bien souvent que le reflet d’une organisation du travail qui dysfonctionne et dont les effets peuvent concerner aussi bien la santé des personnes que d’autres dimensions économiques de la performance.
Soutenir la santé psychique au travail implique selon nous d’appréhender la santé, non plus seulement sous l’angle du risque (le risque de développement de pathologies), mais également et surtout comme une ressource à développer. En ce sens, il ne s’agit pas tant d’essayer de limiter les facteurs de risques psychosociaux que de repérer et de renforcer les leviers qui permettent à la santé de se développer au cours de l’activité de travail. L’enjeu de gestion qui se pose alors est celui du développement de formes de reconnaissance qui soutiennent l’engagement subjectif de chacun tout en favorisant la coopération entre tous. La manière dont l’entreprise entend prendre en charge cette question est susceptible de produire des effets sur la santé en elle-même, mais également au niveau de la performance économique de l’organisation (engagement au travail, qualité du travail, professionnalisation des équipes, capacités créatives et innovation…).
Comment agir ?
Principalement, il s’agit de permettre la délibération sur le travail. L’enjeu est de construire un accord sur ce qui se joue entre les différents acteurs de l’entreprise, d’accompagner un repositionnement des métiers de la prévention et de la santé et de soutenir un management de et par la ressource. Pour ce faire il faut mettre en place et animer :
- des dispositifs d’échanges sur le travail réel qui assurent le suivi et l’évaluation des situations de travail que vivent les personnes.
- des dispositifs qui permettent, sur la base des enseignements dégagés précédemment, de faire évoluer l’organisation du travail dans une visée de renforcement des coopérations
Compte tenu des évolutions constantes des contextes et enjeux des entreprises, ces dispositifs ont vocation à se pérenniser pour installer durablement une réflexion collective sur le travail et la manière dont il se connecte aux projets de l’entreprise.
Le rôle d’Atemis est d’aider à la cohérence de cet ensemble et de soutenir son évolution en lien avec la stratégie de l’entreprise et son modèle économique.